Category: Témoignages

Tous les tchèques vous le diront (et il est fortement déconseillé de les contredire, tant le tchèque est grand et balèze) : la bière tchèque est la meilleure du monde. En plus, il faut bien l’avouer, ils ont raison.

La bière (« Pivo » donc) est érigée en art de vivre. Elle est très bon marché, moins chère que l’eau, servie dans de grandes pintes et offre autant de variations que de régions dans le pays. Entre la Staropramen (ma préférée), la Pilsner Urquell, la Budweiser, la Gambrinus et autres spécialités locales, l’amateur comme le néophyte ont un choix très large.

Champion du monde ou presque, le tchèque détient un record d’absorption de bière : près de 160 litres par habitant et par an. Pas mal non ? Juste derrière on trouve l’allemand et l’irlandais, et également ces petits joueurs d’anglais.

La bière est bonne donc. Elle a un sacré goût de reviens-y, et le fait est qu’on y revient, ou qu’on y vient, même si on est pas trop fan dudit breuvage. Parce que la bière à Prague, c’est tout un cérémonial, un peu l’équivalent de la cérémonie du thé au Japon, les geishas mises à part. Quoique des fois, quand on a de la chance, il y a des touristes à moitié nus mais complètement saouls (on devrait d’ailleurs dire « saoul comme un touriste à Prague » et pas « saoul comme un cochon », parce que c’est pas très respectueux pour les cochons, et en plus les cochons ne boivent pas d’alcool).

Et une Staro, une !

Un rituel donc : vous arrivez, le serveur vous regarde, vous lui dites « Pivo ! » et hop, deux secondes plus tard, voilà votre fût d’un demi-litre posé sur la table, ou plutôt sur un sous-bock. La pinte terminée, revoilà le serveur, prêt à vous « rafraîchir » sur un simple hochement de tête. Traditionnellement il coche un petit papier, et à la fin (pas de la soirée ! elle ne fait que commencer) on fait les comptes et ô miracle ! Vous vous en tirez à peine pour le prix d’un café à Paris.

 

De temps en temps, on peut varier les plaisirs. Passer sur des cocktails divers et variés, ou sur l’autre grande spécialité de la République Tchèque, l’absinthe. La vraie, la seule, l’unique. Interdite en France depuis 1908, réapparue sous forme plus diluée, elle coule à flot et à 70 degrés en République Tchèque. La boisson, jugée trop « petit-bourgeois », fut longtemps interdite sous le régime communiste. Ce n’est désormais plus le cas, c’est très underground de boire sa petite absinthe, d’autant plus qu’un petit parfum d’interdit et de soufre flotte autour.

La petite fée verte vous fait voir tout rose

 

L’équivalent tchèque de notre « Métro, boulot, dodo » résume bien la situation. La nourriture, c’est toute une histoire. Et c’est du sérieux.

 

Hospoda, Restaurace : les restaurants

Je ne parlerai volontairement pas des restaurants de la Place de la Vieille Ville, de Mala Strana ou des abords du Pont Charles, bien trop touristiques et décevants. Non, attardons-nous plutôt sur les endroits fréquentés par les tchèques. Les vrais restos, souvent situés en sous-sol, vous ouvrent grand les bras – ou presque – pour vous faire découvrir le vrai goût de la cuisine tchèque.

Du goulasch (“gulas”) traditionnel – à ne surtout pas confondre avec le goulasch hongrois – aux innombrables recettes de porc, en passant par le fromage frit (“smazeny syr”) et les mille et une façon d’accommoder les pommes de terre, il y en a pour tous les goûts – pourvu que le palais ne soit pas trop fin. Car la cuisine est simple, sans prétention, et bon marché pour ne rien gâcher. Nourrissante… Parfois régressive. Et surtout, surtout, largement arrosée de bière (j’y viens, j’y viens).

Gulas a Knedicly : l’autre emblème de la Tchéquie

 

Quant au service, disons pudiquement qu’il donnera lieu à de nombreuses anecdotes. Il faut le savoir, le serveur ou la serveuse tchèque est de nature maussade et renfrognée. Les premières fois, le touriste peut s’émouvoir, voire se choquer devant un tel manquement à la règle d’or du capitalisme (« Le client est roi »). Mais il s’habituera finalement assez vite, à tel point qu’il en viendra à trouver fort sympathique le serveur qui lui dira simplement bonjour.

 

Le service n’est pas compris dans l’addition, il faudra donc compter entre 5 et 10% de pourboire, à inclure dans le prix que vous paierez. On ne laisse pas l’argent sur la table en République Tchèque, ce n’est pas très poli. Et puis c’est tellement plus drôle de le calculer de tête, de tendre un gros billet et de demander le change !

Ceci dit les choses s’améliorent peu à peu sur ce sujet. Pour les nostalgiques de la grande époque, restent les supermarchés de Prague, les fameux Albert où les caissières offrent encore une délicieuse et rafraîchissante impolitesse au consommateur.

Ah, le fameux sourire tchèque !

 

Morceaux choisis


Disons-le tout net : la spécialité tchèque, c’est le porc (“vepro”). Et il est divinement cuisiné. A tester absolument, par exemple sous la forme des fameux genoux de cochon. Le boeuf aussi est bon, notamment dans le fameux gulas (voir plus haut). Le touriste affamé comprend très vite l’essentiel de la gastronomie tchèque : l’important, c’est la viande.

Bramborak, go !

Pour accompagner la viande, vous aurez le choix entre quelques légumes (du chou principalement), les fameux knedliky (quenelles de pain) ou des pommes de terre. Et c’est là que s’exerce le génie culinaire local, car la gastronomie tchèque a tout de même la particularité de varier les plaisirs autour de la patate. Un peu comme dans Forrest Gump et les crevettes, sauf que là c’est la pomme de terre qui est reine. Cuisinée à la vapeur, rôtie, sous forme de frites, de galettes (bramborak), de purée et que sais-je encore. Arrosée de sauce tatarska.

 

Les desserts ne sont bien évidemment pas en reste. A côté de la version sucrée de quenelles (ovocny knedlik, si tu le prononces correctement tu manges gratis) se pâme le célèbre gâteau au miel, le medovnik. Tout dessert est largement sucré, parfois saupoudré de fromage (sucré hein, sont pas fous les tchèques), parfois gras, toujours savoureux en en accord avec le “léger” petit repas qui a précédé.

Medovnik : ta mère, trop bon (désolée)

Il faut cependant se méfier, car le dessert dans les restaurants peut se suffire à lui-même : en effet, les tchèques peuvent se contenter de prendre une douceur en guise de repas. L’indigestion guette le touriste gourmand et mal informé…

Le charme de Prague est cependant renforcé par les cicatrices de l’histoire.

La ville n’est pas un musée à ciel ouvert, elle est vivante et réserve de nombreuses surprises au visiteur attentif. La période communisme, derrière le rideau de plomb a laissé quelques traces…

Des immeubles soviético-laids, poussés comme par enchantement autour de jolies maisonnettes… Un énorme métronome, construit pour remplacer une statue déboulonnée de Staline… Ou encore un Monument aux Victimes du communisme, effrayant comme un film de zombies. Mais ces ruptures architecturales ne font que mettre en valeur l’extraordinaire patrimoine de la ville.

Il y a comme un truc au fond de mon jardin…

 

 

 

 

 

 

Pour faire court : ami touriste, tu n’as pas fini de faire le tour de la ville. Oh que non.

Prépare tes baskets, “viens, c’est sympa tu verras !” (oups non c’est pas ça).

Parce qu’à “Praha” comme on dit là-bas (rien à voir avec le couscous, encore moins avec la choucroute) le touriste, et le pas touriste aussi d’ailleurs, marche. Beaucoup. Longtemps. Loin. Et le soir, le touriste épuisé mais heureux enlève avec une grimace doublée d’un soupir de soulagement (car le touriste est polytâche) ses chaussures. Car il a vraiment, vraiment beaucoup trotté.

Bon, il faut préciser que l’architecture (gothique, baroque, cubiste, Art Nouveau, il y en a pour tous les goûts) n’est pas le seul plaisir de Prague. Après l’effort, le réconfort, j’ai nommé : la bouffe.

Surnommée « Fred et Ginger », la maison dansante détonne : au bord de la Vltava, entourée de respectables immeubles Art Nouveau, sa silhouette déstructurée et originale peut donner le tournis. Construit dans les années 90 (1990, en 1890 on ne construisait pas de bâtiments aussi peu convenables) conjointement par un architecte tchèque et un américain, cet immeuble surprenant abrite des bureaux et symbolise la rupture de la société tchèque avec « son passé totalitaire et son évolution vers des changements radicaux ». Dixit Vlado Milunic, l’un des architectes (le tchèque, vu le nom ça paraît évident).

Il vaut mieux tomber sur La Maison dansante dans la journée. Parce que si vous la voyez disons la nuit, en sortant par exemple d’une soirée, vous risquez de penser qu’il est grand temps de rentrer se coucher. Ceci dit, si vous ne voyez pas quelle est l’originalité de l’immeuble, il est très certainement plus que temps de rentrer sagement à la maison.

Oh, un éléphant rose ! Ah non, une maison qui danse !

 

 


Le bâtiment donne l’impression d’être ivre : il fusionne deux immeubles, l’un de verre et d’acier, l’autre de béton – mais avec des fenêtres déstructurées. Il évoque un couple de danseurs, l’un féminin avec ses courbes presque sensuelles, l’autre très carré, masculin, légèrement trapézoïdal.

La minute culturelle : on appelle ça de l’architecture déconstructiviste. Pas parce que c’est pas construit, parce que ça s’oppose à l’architecture moderne très rationnelle.

Evidemment, c’est comme la Pyramide du Louvre : le tout a fait scandale, pour finir par s’intégrer totalement dans le paysage urbain de Prague. Et toc !


 

Sérieux, ça claque sa mère non ?

Attention, chef d’œuvre.

Aussi belle dedans que dehors, la Maison Municipale est un bijou d’Art Nouveau. Elle a été construite au début du siècle dernier pour symboliser la montée du nationalisme tchèque et a vu proclamer en ses murs l’indépendance du pays en 1918. Elle a également accueilli Vaclav Havel suite à la Révolution de Velours – bref, un témoin de l’histoire comme on dit.

Les salles de réception sont toutes plus belles les unes que les autres et ont toutes été conçues et décorées par des artistes tchèques – dont le plus connu, Alfons Mucha, a pris en charge la Salle du Maire.

Aujourd’hui la Maison abrite de nombreux concerts (de musique classique, je vois mal les Red Hot Chili Peppers s’y produire), deux restaurants et deux bars, tous décorés dans le style Art Nouveau. Autre moyen de visiter l’intérieur : consentir à une obole, minuscule comparée aux merveilles que vous allez découvrir.