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Disons-le tout net : Prague est « zeplacetoubi » pour faire la fête. La ville dégage une énergie folle, la vie y est bien moins chère qu’à Paris ou à Londres, et les bars, tavernes, boîtes pullulent. Difficile de résister !

 

Les bars

Ils sont enfumés, forcément : la législation anti-tabac n’est pas encore passée par là, et on ne trouve pas vraiment d’espace non-fumeur. Il faut donc se résigner à baigner dans les remugles bleutés de la cigarette. Mais finalement, ça a son charme – ah les réveils brumeux et légèrement puants du lendemain matin !

 

Le Gecko, ex-plus petit bar de Prague

Revenons aux bars donc. Il y en a à tous les coins de rue. Il faut oser entrer dans les tavernes à moitié enfouies qui jalonnent la ville (une grande partie de la ville a été surélevée suite à de grandes inondations et de nombreux rez-de-chaussée ont été ainsi transformés en sous-sols).

Il y en a pour tous les goûts des bars d’ailleurs : des branchés, des traditionnels, des bars à thème. Les tchèques aiment sortir, c’est à la fois culturel et historique – pendant les années noires du communisme, se rassembler dans un bar était plus discret que le faire chez soi – et la bière est vraiment bon marché.

 


Dans un coin, le babyfoot – car il y en a toujours un. Soit un modèle français, soit un modèle tchèque.

Précision technique : le babyfoot tchèque présente une balle et des joueurs en plastique, est recouvert d’une plaque de plexiglas et est illuminé. Si ce couvercle empêche tout saut impromptu de la balle hors du jeu (finies les courses-poursuite entre les tables pour récupérer une balle fugueuse), il prévient aussi toute récupération frauduleuse de ladite balle au moment du but. Les connaisseurs apprécieront.

Pas de repêchage donc

Tout autour, la bière coule à flots ou presque. Le côté couleur locale est représenté par les toilettes. Le plus souvent, la porte ne ferme pas à clé, et on peut donc – selon son degré d’alcoolémie – stresser plus ou moins à l’idée d’une ouverture intempestive et malvenue de la porte.

 

Mais élevons un peu le débat voulez-vous ?

Café Louvre et consorts

Il a connu Kafka qui y avait (paraît-il) ses habitudes. Situé sur Narodni Trida, entre le Théâtre National et le Tesco, le Café Louvre étend sa façade blanche et vous invite à la détente. Que ce soit pour un brunch, pour un chocolat chaud ou pour y jouer au billard, il fait bon s’y arrêter quelques instants.

 

L’intérieur exsude une certaine nostalgie, sans doute dûe à la décoration très Art Déco. On peut tranquillement y observer le savant ballet des serveurs, toujours affables – au contraire de leurs homologues des autres restautants. Le grand comptoir central, les lustres d’époque, la vitrine aux pâtisseries, les six grands billards de l’arrière-salle sont autant d’éléments qui ne vous laisseront pas indifférents.

Ami touriste, un conseil : prends le temps de siroter une délicieux chocolat (“horka cokolada“) recouvert de crème fouettée tout en jouant crânement et virilement au billard.

Le Louvre, la pyramide en moins

 

Le charme à l’ancienne du Grand Orient

D’autres endroits offrent les mêmes plaisirs sucrés, comme le Savoy, près du Pont de la Légion, mais sans vraiment réussir à rivaliser avec la vénérable institution. Citons aussi pour faire bonne mesure le Grand Café Orient, au-dessus de la maison cubiste de la Vieille Ville, plus calme et où les serveurs parlent français.
Là encore, un charme rétro et suranné, on s’attend presque à voir surgir une troupe de jeunes filles à la mode des Années Folles.

 

Mouais bon c’est pas tout ça, on fait la fête ou quoi ?

Dancing Queen

Comme toute métropole qui se respecte, Prague est riche en discothèques, bars musicaux, after etc. Rien de bien singulier de ce côté-là, si ce n’est que les prix bas (très bas, vraiment très bas) permettent d’enchaîner une foultitude d’endroits. C’est l’apogée du zapping de soirée : ça me plaît, je reste, ça ne me plaît pas hop ! On change d’endroit. Oui hein : ça se passe comme ça à Praha (j’ai oublié de vous dire, on prononce “prarra”).

 

Et pour danser jusqu’au bout de la nuit en buvant des bières, rien de tel qu’une bonne petite boîte de nuit des familles. Il y a de tout : la super-grande (le Karlovo Lazne, juste à côté du Pont Charles), la petite branchée pour les touristes (la Fabrique, dans la Vieille Ville) ou la carrément tchèque à fond dans les années 80 (le Futurum, près de Andel).

Les nuits pragoises sont pleines de diversité…

Ze Party

 

Après quelques heures de gesticulations endiablées, il est de bon ton de sortir manger un petit bout. A la tchèque, vous dégusterez un délicieux bramborak dans les petites cabanes qui parsèment la ville – on murmure que les meilleurs sont vendus près du Tesco – histoire d’absorber quelques calories et quelques litres de gras… Ou à la touriste, vous irez dans l’un des KFC qui ne ferment quasiment pas de la nuit.

 

Une passion je vous dis !

Ce délicieux en-cas avalé (pas digéré, ça, personne ne peut vous le promettre), il est plus que temps de changer d’air et d’aller, au choix, danser dans une boîte qui ferme plus tard – on dit une after quand on est branché – ou aller faire un dernier petit babyfoot dans un bar qui ne ferme pas vraiment non plus. Il faut dire que la législation du travail est bien plus “souple” qu’en France. Travailler plus pour vous savez quoi hein. Enfin bref, passons.

 

Le babyfoot, mais il me semble déjà l’avoir dit, semble être une passion nationale, et rien de plus réjouissant que de voir se rejouer la finale France Italie avec des joueurs bien plus sages et plus rigides (forcément, ils sont en plastoc).

 

 

Et pour finir la soirée, voire entamer la journée, pourquoi ne pas se perdre dans les petites rues de la ville ? Avec un peu de chance, vous croiserez d’autres personnes, vous vous ferez des amis, ou vous trouverez un endroit calme pour méditer, parce que c’est ça la beauté de Prague : quelle que soit l’heure, il y a toujours un truc marrant à faire (ou à voir).

Tous les tchèques vous le diront (et il est fortement déconseillé de les contredire, tant le tchèque est grand et balèze) : la bière tchèque est la meilleure du monde. En plus, il faut bien l’avouer, ils ont raison.

La bière (« Pivo » donc) est érigée en art de vivre. Elle est très bon marché, moins chère que l’eau, servie dans de grandes pintes et offre autant de variations que de régions dans le pays. Entre la Staropramen (ma préférée), la Pilsner Urquell, la Budweiser, la Gambrinus et autres spécialités locales, l’amateur comme le néophyte ont un choix très large.

Champion du monde ou presque, le tchèque détient un record d’absorption de bière : près de 160 litres par habitant et par an. Pas mal non ? Juste derrière on trouve l’allemand et l’irlandais, et également ces petits joueurs d’anglais.

La bière est bonne donc. Elle a un sacré goût de reviens-y, et le fait est qu’on y revient, ou qu’on y vient, même si on est pas trop fan dudit breuvage. Parce que la bière à Prague, c’est tout un cérémonial, un peu l’équivalent de la cérémonie du thé au Japon, les geishas mises à part. Quoique des fois, quand on a de la chance, il y a des touristes à moitié nus mais complètement saouls (on devrait d’ailleurs dire « saoul comme un touriste à Prague » et pas « saoul comme un cochon », parce que c’est pas très respectueux pour les cochons, et en plus les cochons ne boivent pas d’alcool).

Et une Staro, une !

Un rituel donc : vous arrivez, le serveur vous regarde, vous lui dites « Pivo ! » et hop, deux secondes plus tard, voilà votre fût d’un demi-litre posé sur la table, ou plutôt sur un sous-bock. La pinte terminée, revoilà le serveur, prêt à vous « rafraîchir » sur un simple hochement de tête. Traditionnellement il coche un petit papier, et à la fin (pas de la soirée ! elle ne fait que commencer) on fait les comptes et ô miracle ! Vous vous en tirez à peine pour le prix d’un café à Paris.

 

De temps en temps, on peut varier les plaisirs. Passer sur des cocktails divers et variés, ou sur l’autre grande spécialité de la République Tchèque, l’absinthe. La vraie, la seule, l’unique. Interdite en France depuis 1908, réapparue sous forme plus diluée, elle coule à flot et à 70 degrés en République Tchèque. La boisson, jugée trop « petit-bourgeois », fut longtemps interdite sous le régime communiste. Ce n’est désormais plus le cas, c’est très underground de boire sa petite absinthe, d’autant plus qu’un petit parfum d’interdit et de soufre flotte autour.

La petite fée verte vous fait voir tout rose

 

L’équivalent tchèque de notre « Métro, boulot, dodo » résume bien la situation. La nourriture, c’est toute une histoire. Et c’est du sérieux.

 

Hospoda, Restaurace : les restaurants

Je ne parlerai volontairement pas des restaurants de la Place de la Vieille Ville, de Mala Strana ou des abords du Pont Charles, bien trop touristiques et décevants. Non, attardons-nous plutôt sur les endroits fréquentés par les tchèques. Les vrais restos, souvent situés en sous-sol, vous ouvrent grand les bras – ou presque – pour vous faire découvrir le vrai goût de la cuisine tchèque.

Du goulasch (“gulas”) traditionnel – à ne surtout pas confondre avec le goulasch hongrois – aux innombrables recettes de porc, en passant par le fromage frit (“smazeny syr”) et les mille et une façon d’accommoder les pommes de terre, il y en a pour tous les goûts – pourvu que le palais ne soit pas trop fin. Car la cuisine est simple, sans prétention, et bon marché pour ne rien gâcher. Nourrissante… Parfois régressive. Et surtout, surtout, largement arrosée de bière (j’y viens, j’y viens).

Gulas a Knedicly : l’autre emblème de la Tchéquie

 

Quant au service, disons pudiquement qu’il donnera lieu à de nombreuses anecdotes. Il faut le savoir, le serveur ou la serveuse tchèque est de nature maussade et renfrognée. Les premières fois, le touriste peut s’émouvoir, voire se choquer devant un tel manquement à la règle d’or du capitalisme (« Le client est roi »). Mais il s’habituera finalement assez vite, à tel point qu’il en viendra à trouver fort sympathique le serveur qui lui dira simplement bonjour.

 

Le service n’est pas compris dans l’addition, il faudra donc compter entre 5 et 10% de pourboire, à inclure dans le prix que vous paierez. On ne laisse pas l’argent sur la table en République Tchèque, ce n’est pas très poli. Et puis c’est tellement plus drôle de le calculer de tête, de tendre un gros billet et de demander le change !

Ceci dit les choses s’améliorent peu à peu sur ce sujet. Pour les nostalgiques de la grande époque, restent les supermarchés de Prague, les fameux Albert où les caissières offrent encore une délicieuse et rafraîchissante impolitesse au consommateur.

Ah, le fameux sourire tchèque !

 

Morceaux choisis


Disons-le tout net : la spécialité tchèque, c’est le porc (“vepro”). Et il est divinement cuisiné. A tester absolument, par exemple sous la forme des fameux genoux de cochon. Le boeuf aussi est bon, notamment dans le fameux gulas (voir plus haut). Le touriste affamé comprend très vite l’essentiel de la gastronomie tchèque : l’important, c’est la viande.

Bramborak, go !

Pour accompagner la viande, vous aurez le choix entre quelques légumes (du chou principalement), les fameux knedliky (quenelles de pain) ou des pommes de terre. Et c’est là que s’exerce le génie culinaire local, car la gastronomie tchèque a tout de même la particularité de varier les plaisirs autour de la patate. Un peu comme dans Forrest Gump et les crevettes, sauf que là c’est la pomme de terre qui est reine. Cuisinée à la vapeur, rôtie, sous forme de frites, de galettes (bramborak), de purée et que sais-je encore. Arrosée de sauce tatarska.

 

Les desserts ne sont bien évidemment pas en reste. A côté de la version sucrée de quenelles (ovocny knedlik, si tu le prononces correctement tu manges gratis) se pâme le célèbre gâteau au miel, le medovnik. Tout dessert est largement sucré, parfois saupoudré de fromage (sucré hein, sont pas fous les tchèques), parfois gras, toujours savoureux en en accord avec le “léger” petit repas qui a précédé.

Medovnik : ta mère, trop bon (désolée)

Il faut cependant se méfier, car le dessert dans les restaurants peut se suffire à lui-même : en effet, les tchèques peuvent se contenter de prendre une douceur en guise de repas. L’indigestion guette le touriste gourmand et mal informé…

Le charme de Prague est cependant renforcé par les cicatrices de l’histoire.

La ville n’est pas un musée à ciel ouvert, elle est vivante et réserve de nombreuses surprises au visiteur attentif. La période communisme, derrière le rideau de plomb a laissé quelques traces…

Des immeubles soviético-laids, poussés comme par enchantement autour de jolies maisonnettes… Un énorme métronome, construit pour remplacer une statue déboulonnée de Staline… Ou encore un Monument aux Victimes du communisme, effrayant comme un film de zombies. Mais ces ruptures architecturales ne font que mettre en valeur l’extraordinaire patrimoine de la ville.

Il y a comme un truc au fond de mon jardin…

 

 

 

 

 

 

Pour faire court : ami touriste, tu n’as pas fini de faire le tour de la ville. Oh que non.

Prépare tes baskets, “viens, c’est sympa tu verras !” (oups non c’est pas ça).

Parce qu’à “Praha” comme on dit là-bas (rien à voir avec le couscous, encore moins avec la choucroute) le touriste, et le pas touriste aussi d’ailleurs, marche. Beaucoup. Longtemps. Loin. Et le soir, le touriste épuisé mais heureux enlève avec une grimace doublée d’un soupir de soulagement (car le touriste est polytâche) ses chaussures. Car il a vraiment, vraiment beaucoup trotté.

Bon, il faut préciser que l’architecture (gothique, baroque, cubiste, Art Nouveau, il y en a pour tous les goûts) n’est pas le seul plaisir de Prague. Après l’effort, le réconfort, j’ai nommé : la bouffe.

Surnommée « Fred et Ginger », la maison dansante détonne : au bord de la Vltava, entourée de respectables immeubles Art Nouveau, sa silhouette déstructurée et originale peut donner le tournis. Construit dans les années 90 (1990, en 1890 on ne construisait pas de bâtiments aussi peu convenables) conjointement par un architecte tchèque et un américain, cet immeuble surprenant abrite des bureaux et symbolise la rupture de la société tchèque avec « son passé totalitaire et son évolution vers des changements radicaux ». Dixit Vlado Milunic, l’un des architectes (le tchèque, vu le nom ça paraît évident).

Il vaut mieux tomber sur La Maison dansante dans la journée. Parce que si vous la voyez disons la nuit, en sortant par exemple d’une soirée, vous risquez de penser qu’il est grand temps de rentrer se coucher. Ceci dit, si vous ne voyez pas quelle est l’originalité de l’immeuble, il est très certainement plus que temps de rentrer sagement à la maison.

Oh, un éléphant rose ! Ah non, une maison qui danse !

 

 


Le bâtiment donne l’impression d’être ivre : il fusionne deux immeubles, l’un de verre et d’acier, l’autre de béton – mais avec des fenêtres déstructurées. Il évoque un couple de danseurs, l’un féminin avec ses courbes presque sensuelles, l’autre très carré, masculin, légèrement trapézoïdal.

La minute culturelle : on appelle ça de l’architecture déconstructiviste. Pas parce que c’est pas construit, parce que ça s’oppose à l’architecture moderne très rationnelle.

Evidemment, c’est comme la Pyramide du Louvre : le tout a fait scandale, pour finir par s’intégrer totalement dans le paysage urbain de Prague. Et toc !